Saint Raphaël, lumineuse en toute saison-
Porte d’entrée vers le massif de l’Estérel, Saint Raphaël est célèbre pour sa beauté en Technicolor, entre les porphyres rouges vif qui sculptent son relief découpé, et le bleu azur des criques et calanques. Mais à l’approche de Noël, d’autres couleurs viennent encore s’ajouter à la palette : Saint Raphaël célèbre ses fêtes de la lumière. Promenade sur le port et dans le cœur de ville illuminés.
J’aime la période de l’avent pour ses dimensions apocalyptiques. Depuis la nuit des temps, depuis que nos ancêtres ont vu avec terreur les jours raccourcir et le froid descendre sur les champs, le début de l’hiver est l’époque d’une lutte épique entre l’ombre et la lumière. Les Celtes pensaient qu’entre les fêtes de Samain (l’ancêtre d’Halloween) et le solstice d’hiver, lorsque la Terre plonge dans l’obscurité, les frontières entre les mondes devenaient poreuses, et les morts et les esprits venaient frôler les vivants, alors il fallait allumer torches et flambeaux, faire jaillir des processions de lumière, pour guider notre barque vers la nouvelle année, à travers les eaux dangereuses de l’hiver. Aux heures les plus sombres de l’année, lorsque le solstice sonne le jour le plus court, les Romains fêtaient « dies natalis solis invicti», le jour de naissance du soleil invaincu, soit le début du retour à la lumière.
Le christianisme a su se réapproprier cet héritage païen. On a fait coïncider la naissance de Jésus avec celle du soleil, la nativité célèbre ces deux avènements glorieux, et la période de l’avent prépare ce retour à la lumière, en allumant une par une les quatre bougies. En Allemagne, la Saint Martin est le jour des processions aux lampions ; en Suède, on fait défiler des jeunes filles vêtues de blanc et couronnées de cierges, le jour de la Sainte Lucie ; à Lyon, on fête Marie le 6 décembre, et sur la Côte d’Azur, c’est à Saint Raphaël qu’il faut aller pour célébrer le retour de la lumière dans la nuit.
Chaque décembre depuis dix-neuf ans, les fêtes de la lumière font de la jolie cité portuaire une féerie colorée. Le port, le casino, le cœur de ville se changent en kaléidoscope, une grande roue jette ses rayons clignotants sur la jetée, et une fête foraine s’installe sur la place Coullet. Ici aussi, le combat entre le bien et le mal, entre la nuit et le jour fait rage : tandis que la parade des plasticiens volants fait défiler sur le port le bestiaire fantastique des monstres qui se cachent dans les ténèbres, la basilique célèbre l’art religieux de la nativité.
Sur la façade de cette belle église construite dans un style néo-byzantin à la fin du dix-neuvième siècle sont projetés des tableaux de Michel-Ange, Raphaël et Georges de la Tour. Ces tableaux de lumière sont accompagnés d’orgue et de chants grégoriens, offrant le spectacle chatoyant d’une basilique toute entière changée en vitrail, et d’une messe en quelque sorte projetée sur le parvis. La période de Noël, c’est aussi le grand come-back du christianisme, une fois par an. Même si vous n’allez pas à la messe de minuit, vous entendrez bien quelques Gloria et Il est né le divin enfant, ou bien vous ferez une crèche juste pour le plaisir d’aller ramasser de la mousse et des pommes de pin.
J’ai aimé suivre le chemin de lumière et la parade des monstres dans les rues de Saint Raphaël, à la nuit tombée, faire un tour de grande roue avec vue sur le port, trouver l’esprit de Noël au milieu des palmiers.
Le week-end précédent, j’étais en Alsace, aux marchés de Noël de Kaysersberg et Colmar, et s’il est vrai que la Côte d’Azur peut difficilement rivaliser avec les champions toutes catégories de l’esprit de Noël, Saint Raphaël peut se prévaloir d’un avantage décisif : il y fait environ quinze degrés de plus. J’ai pu achever ma balade illuminée sans amputation de doigt ou d’orteil, sans vider le tube de doliprane et me jeter dans un bain bouillant, j’ai même pu, rendez-vous compte, boire un « Sexy Tea » (ce sont des fruits rouges) et manger une tarte tatin au salon de thé Le Provençal, en terrasse ! sans lampe chauffante ! Et j’ai survécu sans problème pour raconter cette histoire. L’avent sur la Côte d’Azur, c’est définitivement une option à considérer. (De manière générale : la vie sur la Côte d’Azur, c’est définitivement une option à considérer.)
D’autant que Saint Raphaël possède un atout charme extraordinaire, l’Estérel. J’ai toujours pensé que les montagnes de l’Estérel étaient les plus spectaculaires du sud.
Avec ses falaises cramoisies et son épais maquis, ce massif a longtemps été une sorte de Far Est français, un coupe-gorge à travers lequel les voyageurs en route vers l’Italie ne s’aventuraient qu’à reculons, chapelet à la main et prières en bouche. Les prisonniers échappés du bagne de Toulon trouvaient refuge dans ses cavernes et ses replis, et les bandits de grand chemin se tenaient en embuscade sur les crêtes, prêts à se jeter sur les diligences. Les gens d’autrefois l’appelaient « Malpey », la mauvaise montagne, flairant le péril au détour d’un sentier escarpé ; mais comme souvent, les dangers d’autrefois font les splendeurs d’aujourd’hui. Les roches rouge sang, découpées par la mer inlassable, les calanques cachées au creux de cette côte cinématographique, les arrêtes acérées comme des lames et le fouillis des troncs jetés à bas par la tempête, tout est pittoresque à mourir.
L’un des bandits les plus célèbres du dix-huitième siècle, Gaspard de Besse, avait fait de l’Estérel son refuge. Il se cachait dans une grotte sur les flancs du Mont Vinaigre, et détroussait les riches étrangers en voyage dans le sud de l’Europe. C’était un dandy hors-la-loi, portant une veste rouge à boutons d’argent, et qui s’enorgueillissait de ne jamais tuer personne. Puisqu’il a su gagner le cœur du peuple par sa générosité envers les pauvres, on a pu le surnommer le Robin des Bois français. Quand l’un de ses hommes le trahit et qu’il fut soumis au supplice de la roue à Aix-en-Provence, en 1781, tout le peuple de Provence implorait sa grâce, en vain – sa tête fut clouée à un arbre, sur la grande route où il commettait ses exploits. Cet anarchiste avant l’heure, mort à l’âge de vingt-quatre ans, disait que « les plus grandes plaies de la Provence sont l’Etat et le mistral », un bon slogan de campagne dans la région. Certains rêveurs espèrent toujours retrouver le trésor qu’il aurait caché quelque part dans le massif. Au risque d’être terriblement cliché, je dirais que dans l’Estérel, les lingots poussent dans les arbres : ce sont les mimosas d’un jaune étincelant, qui fleurissent à la fin de l’hiver et créent un fabuleux contraste avec les roches vermillon.
J’adorais déjà Saint Raphaël en début d’année, pour les mimosas, en été pour la baignade et le stand-up-paddle, à l’automne pour les randonnées dans le massif – la fête des lumières me donne maintenant une bonne raison de revenir en décembre.
Pour en savoir plus sur la fête des lumières de Saint Raphaël : voir le site dédié.
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le 21 décembre, 2015 à 15 h 56 min a dit :
superbe reportage sur ma ville préférée (en toute objectivité n’est-ce pas, puisque c’est là que j’habite !) Merci !!
le 22 décembre, 2015 à 8 h 32 min a dit :
Magnifique ! Merci de nous avoir donné envie de rejoindre la fête des lumières de Saint Raphaël. C’est la première fois que j’en entends parler, et entre les photos et les textes, je signe des deux mains !
le 2 janvier, 2016 à 15 h 46 min a dit :
Bonjour je suis le concepteur réalisateur des éclairages pour la féte des lumières de saint Raphael ,J’aimerai avoir des photos de mes mises en lumièreCordialement
Joel Bonnet
le 2 janvier, 2016 à 22 h 50 min a dit :
Cher Joel, félicitations pour vos superbes mises en lumière. Envoyez-moi un mail à [email protected]
le 25 janvier, 2016 à 7 h 01 min a dit :
Ce matin, j’avais besoin de quelque chose de vivant, de quelque chose qui m’aiderait à m’évader et à oublier un tant soit peu mes soucis, alors je me suis tournée vers ton blog… Et j’ai eu raison !
Je n’avais pas encore pris le temps de lire cet article, c’est maintenant chose faite.
Premièrement, les photos sont magnifiques – comme toujours. Rien que ça, ça me remonte le moral avant une journée difficile ! Voir qu’il y a de si belles choses à proximité m’encourage à aller de l’avant. Ma photo favorite est celle que tu as intitulée “Crépuscule idyllique dans le port de Saint Raphaël”, parce que c’est celle qui correspond le plus à mes souvenirs – lointain et enfantin, certes – de Saint Raph’ (comme disait mes parents).
Ensuite, tes textes, emplis d’anecdotes historiques, sont fantastiques. À chaque fois, j’ai l’impression de me plonger dans les livres que j’aime tant, et les images d’un film se forment toutes seules dans ma tête (aidées, bien évidemment, par tes photos). Rien de mieux pour se déconnecter de la réalité !
Juste une petite précision : la fête des Lumières de Lyon n’a pas lieu le 6 mais le 8 décembre 😉
le 25 janvier, 2016 à 9 h 05 min a dit :
Merci pour ton commentaire adorable. Je suis désolée de lire que tu as des soucis,j’espère très sincèrement que les choses vont s’arranger pour toi. Le mois de janvier est long, avec ses grandes nuits froides, et le printemps encore si lointain…
Merci infiniment pour les compliments que tu me fais, vraiment cela me touche, je suis très heureuse de savoir que mes textes et photos plaisent et parlent à d’autres. Oui, l’Estérel est une région fabuleuse, j’y suis très attachée.
Et merci pour Lyon, je corrige tout de suite ! Au plaisir de te lire très vite. Passe une belle journée, prends bien soin de toi !
le 16 janvier, 2017 à 23 h 16 min a dit :
Pour moi Fréjus-Saint Raph ce sont tous les étés de mon enfance chez ma marraine avec mon cousin. Je le découvre ici avec un autre regard complètement différent de mes souvenirs. Le massif de l’Esterel est trop beau. Je veux explorer l’arrière-pays.
le 16 janvier, 2017 à 23 h 31 min a dit :
Merci Estelle ! c’est génial d’avoir passé ses étés d’enfant sur la côte, elle est si belle…
le 13 février, 2017 à 23 h 47 min a dit :
[…] Saint Raphaël, l’Estérel et ses roches rouges. Le massif de l’Estérel est d’une beauté rare, avec ses pitons rouges […]
le 14 avril, 2017 à 7 h 36 min a dit :
[…] C’est un des spots de paddle de vague les plus réputés de la Côte d’Azur, et des compétitions internationales ont souvent lieu ici. J’adore la plage de la Nartelle, d’où on voit à l’horizon les mythiques rochers rouges de l’Estérel. […]
le 12 mai, 2017 à 11 h 49 min a dit :
[…] que je vous serre contre mon cœur), vous saurez que j’ai déjà rédigé un article de blog sur Saint Raphaël et l’Estérel, à l’occasion de la belle fête des Lumières qui s’y tient tous les mois de décembre. […]