Fabuleuse Vallée d’Aoste : le Mont Blanc, côté italien-
Avez-vous déjà rêvé de passer de l’autre côté du Mont Blanc ? Cet automne, je suis partie découvrir une destination qui me faisait rêver depuis des années : la vallée d’Aoste, plus petite région autonome d’Italie, véritable gardienne des Alpes et verrou montagnard entre la péninsule italienne et l’Europe du Nord. Parce que ce passage à travers la chaîne alpine revêtait une importance stratégique cruciale, elle a joué un rôle clef dans l’histoire de l’Europe et a été contrôlée par les romains, les savoyards… et même Napoléon. La richesse culturelle de cette région est extraordinaire, sans parler de la beauté exceptionnelle de ses paysages montagnards. L’altitude moyenne de la vallée d’Aoste culmine à 2100 mètres : préparez-vous à un foisonnement de cols montagnards, de routes sinueuses, de mélèzes en feu, et de merveilleux 4000 vous surplombant comme autant d’hologrammes magiques. Ici, vous ne verrez pas seulement le Mont Blanc côté italien, mais aussi le Cervin, et vous skierez même à son pied…
Que voir, que faire en vallée d’Aoste ? Séjour d’automne à Aoste. Blog sur Aoste, Cervinia, Courmayeur
Petite région, nectar de splendeurs, la vallée d’Aoste se déguste aussi dans le verre et dans l’assiette, et je vous parlerai de la qualité extraordinaire de ses vins, ses fromages et ses charcuteries. Notre séjour fut aussi un sommet de gastronomie ! Et pour nous Français, la vallée d’Aoste mérite notre affection toute particulière : c’est la seule région francophone d’Italie, et le français, seconde langue officielle, reste omniprésent là-bas… encore un motif de curiosité et d’attachement. Culture italienne, culture alpine et langue française créent ici un étonnant et unique cocktail.
Que voir, que vivre, que faire en vallée d’Aoste ? Au programme de ce merveilleux séjour d’automne : Courmayeur, les thermes de Pré Saint Didier, une journée de ski à Cervinia, la magnifique ville d’Aoste, les exceptionnels châteaux de la vallée d’Aoste, et de très bonnes adresses pour déguster les spécialités valdôtaines. Ce long week-end d’automne en vallée d’Aoste en amoureux, j’en avais rêvé, et il restera un des plus beaux souvenirs de mon année.
Franchir le tunnel du Mont Blanc, direction la vallée d’Aoste
On a parfois des rêves couvés en secret depuis des années. La vallée d’Aoste était l’un des miens. J’avais aimé à la folie le Mont Blanc côté Chamonix, le Cervin côté Zermatt… l’idée qu’une même petite région italienne concentrait l’envers des deux monstres mythiques me fascinait, et la vallée d’Aoste était devenue pour moi la face obscure de la lune : un monde de mystère et de magie à conquérir.
Quand nous arrivons par l’autoroute de la Vallée Blanche à Chamonix, ville que j’aime à la folie, mon cœur bat très fort : enfin, je vais traverser le mythique tunnel du Mont Blanc, plonger dans cet inconnu tant espéré.
Je réfléchis à l’histoire de l’Europe. Ce tunnel que nous traversons en quelques minutes, il n’existe que depuis 1965. Durant des siècles, traverser le Mont Blanc comme un gruyère, presque comme on se téléporte, était impossible. La traversée des Alpes était une épopée dangereuse et un enjeu de conquête majeur. Et la vallée d’Aoste – qui se tient, justement, sur le versant méridional du Mont Blanc et du Cervin, au seuil de la France et de la Suisse –, un des points de passage les plus stratégiques du continent européen. Pour les Romains, elle était la charnière entre l’Italie et le reste de l’Europe ; pour tous les conquérants, rois et guerriers, elle était ce verrou crucial entre Nord et Sud, le point de passage dans la muraille alpine. Papes et empereurs, chevaliers et artistes, marchands et fugitifs, tous étaient suspendus au franchissement de deux cols, celui du Petit Saint Bernard, aujourd’hui entre France et Italie, celui du Grand Saint Bernard, aujourd’hui entre Suisse et Italie, véritables points névralgiques d’une Europe où un excès de neige pouvait suspendre les communications entre deux mondes, et une soudaine invasion, renverser le destin du continent tout entier.
Aujourd’hui, nul besoin de mules, d’armées, de lances et de sauf-conduit papal pour passer de l’Europe du Nord au soleil de la péninsule italique, il vous faudra juste compter 59,80 euros l’aller-retour (quand même). Mais la beauté de l’arrivée à Courmayeur vaut bien l’épopée.
Courmayeur : la beauté du Mont Blanc, côté italien
Ce qui me frappe immédiatement, c’est le contraste des forêts entre Chamonix et Courmayeur. Au nord, côté Chamonix, nous sommes dans un pays d’épicéas et de sapins. Tout début novembre, la date de notre voyage en vallée d’Aoste, la forêt chamoniarde est un océan presque entièrement vert, où des arbres solitaires allument quelques torches éparses. Côté Courmayeur, c’est un éblouissement de roux qui se déverse dans vos yeux illuminés : nous sommes sur le versant sud, et le mélèze règne en maître. C’est un incendie sylvestre, une avalanche de roux flamboyant. C’est magnifique, c’est le sud. J’écoute Ricchi e Poveri pour célébrer l’arrivée en Italie.
Courmayeur est magnifique. Le Mont Blanc ne se dévoile pas au premier abord, car le jaloux Mont Chétif (2343m) prenait ombrage de la suprématie du géant (4807m de majesté), et cache au village la vue directe. Il suffira de s’éloigner un tout petit peu pour le voir éclater en majesté. Pour remédier à ces querelles entre sommets, Courmayeur a bâti le Skyway Monte Bianco, sublime ascenseur vers les plus hautes cimes, fabuleux balcon sur la plus haute couronne de nos Alpes. Il est fermé lors de notre séjour début novembre, mais j’y étais montée lors de mon initiation à l’alpinisme en vallée Blanche à Chamonix.
Explorons le sublime centre historique de Courmayeur, où l’architecture traditionnelle valdôtaine a été parfaitement préservée, notamment les toits de lauzes sur lesquels somnole le soleil méridional. Face à l’église St Pantaléon, qui jaillit au XIIe siècle et est rebâtie au XVIIIe suite à un éboulement, trône la très belle maison de la société des guides de Courmayeur. Trente ans après la création de la compagnie des guides de Chamonix, sa fondation en 1850 fait d’elle la deuxième plus ancienne au monde, et sa très belle façade commémore nombre d’ascensions héroïques et de visages majeurs. L’ambiance raffinée et authentique de Courmayeur séduit immédiatement, et l’automne ajoute encore au charme suranné de ces ruelles de pierre montagnarde.
Savourer la vallée d’Aoste : bonnes adresses à Courmayeur
Nous garderons un souvenir émerveillé de notre premier restaurant en vallée d’Aoste, Le Vieux pommier, dans le cœur de Courmayeur. Impossible de ne pas tomber sous le charme de cette décoration unique, où un vieil arbre magique trône au cœur de la salle de restaurants, et réhausse la beauté boisée de cette salle de restaurant à la fois traditionnelle et lumineuse, où l’ambiance est chaleureuse. C’est notre première rencontre avec la charcuterie réputée de la vallée d’Aoste : plusieurs spécialités sont labellisées AOP, avec un cahier des charges garantissant la typicité et l’authenticité des produits. C’est le cas du jambon de bosses et du lard d’Arnad, deux délices, mais mon plus grand coup de cœur ira à la motsetta (qui me rappelle la savoureuse viande des Grisons).
Côté fromage, nous faisons la découverte de la Fontina, le fromage valdôtain emblématique, une sorte de raclette très douce et savoureuse, délicieuse sur les gnocchis !
C’est aussi notre premier contact avec le vin valdôtain. Dans ce pays de soleil, les cépages prennent une toute autre saveur. Ne le dites pas trop fort, mais la Petite Arvine, c’est vraiment ici qu’elle est la meilleure… Ce sont ici les plus hauts vignobles d’Europe, et j’ai trouvé tout au long du séjour que cette alliance d’altitude et de grand soleil méridional donnait une toute autre dimension aux vins montagnards : j’ai adoré les vins valdôtains, vraiment !
Nous montons ensuite sur les hauteurs de Courmayeur pour visiter la Ferme du Mont Blanc, où Fiorella et son mari sont éleveurs de chèvres et producteurs de fromage depuis plus de vingt ans. L’accueil est chaleureux et les fromages, délicieux. La ferme s’inscrit résolument dans une démarche Slow Food : localisme, accueil à la ferme, respect des pratiques ancestrales, et grande exigence de qualité – le nombre de médailles aux murs impose le respect, les fromages de Fiorella sont multi-auréolés de lauriers ! Et dès qu’on goûte, on comprend pourquoi… Je vous recommande de tout cœur la ricotta de chèvre : je n’ai jamais mangé une ricotta aussi savoureuse de ma vie !
Bien-être en vallée d’Aoste : fabuleux thermes de Pré Saint Didier
Pour moi qui suis une inconditionnelle des spas et piscines, cette adresse était un incontournable absolu, j’en rêvais depuis des années ! A deux pas de Courmayeur, du côté italien du Mont Blanc, les thermes de pré St Didier offrent un cadre absolument exceptionnel, un véritable bain de montagnes majestueuses. C’est un sommet de poésie et de rêve que de nager ici au cœur de nos plus belles Alpes… de voir la montagne dorée tomber dans l’eau chaude quand le soir descend sur la vallée. La piscine des thermes de Pré St Didier concourt pour le titre de « plus belle piscine de ma vie » (et partage le podium avec celle du Fernblick Montafon en Autriche).
Et cette adresse a tellement d’atouts que l’épicurien rompu aux bains thermaux saura apprécier ! L’eau des piscines est vraiment chaude, ce qui est appréciable au cœur des montagnes. Il est possible de rester longtemps sans se sentir refroidir. Le complexe est très grand, avec une vraie variété de bassins intérieurs et extérieurs différents et espacés, ce qui permet de ne pas se marcher dessus et de varier les plaisirs. Le cadre est extrêmement romantique et soigné – et c’est particulièrement vrai à l’automne quand la montagne flamboie. Cela restera un des summums de notre voyage dans la magnifique vallée d’Aoste, et un de mes complexes thermaux préférés à ce jour.
Dormir dans un agriturismo en vallée d’Aoste
Connaissez-vous cette particularité italienne ? Les agriturismos, ce sont des gîtes ruraux associés à une exploitation agricole, qui vous permettent de dormir dans un cadre champêtre et de découvrir les produits du terroir. Il en existe des rudimentaires et des luxueux. Dans le cas de La Source Wine Farm en vallée d’Aoste, nous sommes dans un cadre très confortable et cosy, à mi-chemin entre Courmayeur et Aoste, à deux pas du superbe château Sarriod de la Tour. Bonheur de se réveiller le matin avec la vue sur les montagnes répondant aux tourelles crénelées de la forteresse ! Notre chambre était grande, spacieuse et douillette.
Au restaurant, une cuisine maison rustique et traditionnelle, et d’excellents vins valdôtains : La Source est un vignoble réputé.
Le clou, c’est le petit-déjeuner… dans une logique locavore « kilomètre 0 », il est 100% maison et 100% local – à l’exception des grenades et jus de fruits, tout le reste, gâteaux, yaourts, pains, fromages, charcuteries, est du village, et l’adorable patronne pâtisse pour les clients chaque jour une profusion de délices. Une belle immersion en vallée d’Aoste à La Source !
Skier sous le Cervin en vallée d’Aoste, à Breuil-Cervinia
Ce matin-là, nous empruntons une sublime route en lacets dans un décor en Technicolor de mélèzes enflammés, à l’assaut de la montagne.
Puis nous arrivons à Breuil-Cervinia, au pied d’une grande, grande et belle montagne… Mais quelle est cette belle montagne ? Oh, ce n’est rien, c’est juste l’incroyable, le mythique Cervin… 4478 mètres de magie derrière moi, si proches qu’on jurerait pouvoir croquer le sommet glacé de la merveille.
Le légendaire Cervin, terreur des alpinistes, est situé à cheval entre la vallée d’Aoste en Italie et le Valais en Suisse – là bas, il s’appelle Matterhorn et il orne les paquets de Toblerone. Il y a trois ans, j’avais eu le bonheur de skier à son pied à Zermatt. Je le connaissais donc côté suisse, côté Toblerone, je découvre son versant italien, moins escarpé, plus doux, tout aussi majestueux. Et à la belle Cervinia, où on skie encore plus près du géant. Le plaisir visuel est inouï. Les deux domaines sont reliés, pour un plaisir de glisse transfrontalier sans bornes.
Skier à Cervinia est un bonheur absolu. Vous êtes sur le versant sud, le côté ensoleillé de la montagne, et très haut en altitude. Quand vous arrivez là-haut à 3500m, la vue sur les sommets avoisinants – dont le Mont Blanc – est à tomber à la renverse.
Je ne sais pas ce qui me procurait le plus de bonheur : cette neige parfaite, tellement onctueuse et douce dès début novembre à une telle altitude, le soleil italien, la beauté des pistes larges et panoramiques, ou la vision sans cesse renouvelée des cimes légendaires dressées dans leur manteau blanc entre les pistes. Sachez d’ailleurs que le côté Cervinia est considéré comme plus accessible que le versant Zermatt : les versants sont moins raides, les pistes plus larges, et le soleil adoucit la neige (sans la transformer en soupe, car nous sommes si haut !). La dolce vita à skis côté sud…
La journée était merveilleuse, avec une pause savoureuse au restaurant sur les pistes Bontadini – je recommande l’Apfelstrudel !
Notre super moniteur, Michael
Le village de Cervinia, avec ses cadrans solaires et ses maisons typiques, est réellement au pied du Cervin et le cadre est somptueux. Plusieurs télécabines sont accessibles également aux piétons, afin de profiter des vues incroyables – la liaison piétons entre Zermatt et Cervinia est en construction, la liaison skieurs existe depuis longtemps. Une merveilleuse escapade… la plus belle façon pour nous de commencer la saison de ski !
Une nuit à Saint Vincent et un restaurant fabuleux
Bien qu’entourée de sommets – comme tous les villages de la Vallée d’Aoste, destination culminante par excellence –, le joli village de Saint Vincent s’illustre par son climat très doux, et je suis surprise de trouver ici au cœur des Alpes palmiers et oliviers s’épanouissant dans une exceptionnelle douceur. Saint Vincent est également célèbre pour ses thermes, abreuvées par une source découverte en 1770, mais que nous n’avons pas pris le temps de découvrir cette fois.
Nous dormons au bel hôtel Alla Posta en plein cœur du village, face au ravissant clocher de l’église, dans une grande et belle chambre lumineuse offrant des vues superbes sur les montagnes et les tours avoisinantes.
Mais mon plus grand coup de cœur va au restaurant de l’hôtel Alla Posta, qui restera peut-être mon plus beau souvenir gastronomique en vallée d’Aoste. Dans un cadre chic et intimiste, qui met à l’honneur l’exceptionnelle cave à vins du restaurant et expose des bouteilles originales, le repas est intégralement délicieux, et la sommelière nous recommande de parfaits accords mets-vins, qui nous permettent de découvrir le torrette supérieur, le grand vin de la région, l’arneis, délicieux blanc, et toujours la petite Arvine, qui me convainc décidément. Un excellent souvenir !
Voyage au cœur de l’automne en vallée d’Aoste
Nous retrouvons notre guide Stéphane Gimel, monument de gentillesse, d’érudition et de convivialité, pour plonger au cœur de l’automne en vallée d’Aoste, entre culture et paysages, patrimoine naturel et merveilles architecturales.
Nous sommes à un point éminemment stratégique des Alpes : le point de jonction entre la botte italienne et le nord de l’Europe, l’endroit où la forteresse alpine s’ouvre un peu et où une brèche se fait dans la muraille minérale. Les Romains ont tout fait pour soumettre les Salasses, le peuple qui vivait sur ces terres à l’heure antique, et contrôler le passage vers le Nord. Les Savoyards en ont fait un des piliers de leur duché, à cheval de part et d’autre des Alpes. Des influences venues de Rome, de Savoie francophone, du Valais suisse se sont mêlées ici. Stéphane nous montre l’architecture traditionnelle des villages valdôtains, les maisons typiques du peuple Walser, peuple germanophone venu de Suisse qui a laissé une forte influence sur la vallée d’Aoste et le Valais voisin.
Stéphane nous montre la beauté du col Tsecore où les mélèzes sont embrasés par novembre, les deux silhouettes des Dames de Challand (autour de 3000m) toutes corsetées de feu, guettant le Mont Blanc qui se dessine au loin.
Le Mont Blanc depuis le col Tsecore
Il nous conduit à une cascade cachée sur le sentier de randonnée Camino Balteo, qui permet de traverser la vallée d’Aoste à des altitudes plus douces, entre villages et pépites naturelles, comme cette cascade qui cataracte au cœur d’une gorge verte où la mousse abonde – magnifique ! Cette vallée est superbe, attachante, on a envie de se perdre sur ces sentiers en balcon, de prendre le temps de tout goûter, les vins ensoleillés et exquis, les fromages traditionnels (ah, la fontina!), les charcuteries réputées.
Le midi, on déjeune avec Stéphane au Bistrot Ramet, où on goûte les spécialités locales : la polenta à la fontina (chaud et roboratif !), la carbonara valdôtaine (un délice !), et toujours ces vins ensoleillés. On est bien ici, suspendus entre France, Suisse et Italie, dans cette vallée inimitable au cœur des Alpes…
Chaude comme on l’aime
Les châteaux de la Vallée d’Aoste : Castello di Issogne
Puisque la vallée d’Aoste fut gardienne des Alpes, il est facile d’imaginer pourquoi les châteaux sont ici innombrables, une véritable forêt de tourelles répondant aux verticalités des sommets. Toutes les puissances établies ici ont éprouvé le besoin de contrôler les routes et les cols de la vallée, d’asseoir leur domination sur ce verrou stratégique.
Au château d’Issogne, nous sommes chez la famille de Challant, alliés et représentants des ducs de Savoie en vallée d’Aoste. Cette puissante famille a laissé une profonde empreinte sur la vallée, et de nombreux châteaux ici furent les leurs. Le château d’Issogne m’a touchée, car il est une véritable capsule temporelle vous ramenant au début du XVIe siècle. Tout est intact. Dans la cour, une somptueuse fontaine en fer forgé, installée lors d’un mariage à la Renaissance, darde toujours ses opulentes grenades de métal en symbole de fertilité. Des fresques extrêmement précises et riches détaillent le quotidien des marchands, des paysans, des artistes, des aristocrates, des mendiants et des prostituées dans les années 1500.
Et le plus impressionnant : de nombreux graffitis datant de cette époque sont toujours dans les murs, émouvants témoignages du passage des visiteurs plus ou moins prestigieux dans ce château. Les scripteurs anonymes colportent des anecdotes, notent des évènements marquants de leur temps – l’un s’émeut de la Réforme calviniste en cours à Genève, un autre de la mort d’un roi. Nous avons eu une étrange sensation de familiarité, de proximité, avec ces gens qui ont vécu cinq siècles avant nous, et j’ai adoré cette visite.
Les châteaux de la Vallée d’Aoste : Castello di Fénis
Dès l’abord à l’horizon, le château de Fénis impressionne par sa silhouette : un feu d’artifice de tourelles, de créneaux, une exubérance proliférante de têtes de pierre qui lui donne l’allure d’un monstre fantastique pétrifié au petit jour. Lui aussi fut une propriété de la famille de Challant, un symbole privilégié de leur puissance et de leur faste. Là encore, des fresques monumentales célèbrent la vie et l’œuvre de la famille, notamment dans la superbe cour d’honneur, avec son gigantesque escalier ouvert sur un chevalier trucidant le dragon. On admire les gargouilles apotropaïques gardant l’enceinte intérieure de la muraille, les nombreuses allusions à l’ésotérisme Renaissance.
A l’intérieur du château se dissimule une chapelle, dont on ne pourrait soupçonner l’existence vue de l’extérieur, mais qui abrite de superbes fresques du XVe et XVIe siècle.
Au XIXe siècle, le château à moitié tombé en ruines fut superbement restauré par l’artiste, architecte et peintre portugais Alfredo d’Andrade, achevant de transformer cette forteresse sans combats en rêve féerique selon le goût d’un 19e fantasque. L’ameublement n’est pas d’origine, tout fut reconstitué en puisant dans le mobilier d’autres châteaux, mais la reconstitution est superbe. Par son faste, son ancrage dans un imaginaire spectaculaire, par la beauté de son allure perchée sur la colline au milieu des montagnes, le castello di Fénis est aujourd’hui l’un des plus célèbres châteaux de la vallée d’Aoste.
Visiter Aoste, la sublime Rome du Nord
Connaissez-vous Aoste ? Je l’avoue : j’ignorais tout de la splendeur de la « petite Rome du Nord », à qui l’empereur Auguste a donné son nom après avoir soumis le peuple des Salasses, jusqu’à cette visite, et je suis repartie émerveillée. Amateurs de ruines romaines, de splendeur antique, de beauté ayant traversé les siècles, vous qui avez aimé Rome, Pompéi, Arles ou Delphes, vous devez absolument voir Aoste. La ville a été conçue par Auguste comme une projection de la puissance romaine au nord de l’Italie, comme une avant-scène de son faste tournée vers toute l’Europe transalpine, et les vestiges sont extraordinairement conservés. Nous avons bénéficié d’une merveilleuse visite avec l’archéologue et passionnante blogueuse Stella Bertarione .
Voici notre guide Stella
Avec Stella, nous entrons dans la ville à la façon triomphale d’un Auguste, partant du pont sur la Doire Baltée, longeant l’arc de triomphe, avant de franchir l’imposante Porte Prétorienne, qui subjugue tout visiteur par son caractère énorme et spectaculaire – ici pouvaient passer les chars ! – et son état de conservation.
Mais le plus beau, le clou absolu à Aoste, c’est le théâtre romain. Une façade de 22m, un hémicycle pouvant accueillir 4000 spectateurs, c’est un des plus spectaculaires du monde, et un des mieux préservés. Le cadre grandiose du site, entouré de montagnes blanchies par les premières neiges, ajoute encore à la beauté.
Après avoir traversé une partie plus moderne de la ville – la somptueuse place de l’hôtel de ville, tout à fait typique du style italien 19e, à l’heure du triomphe de la République – Stella nous conduit sous terre, dans un des plus beaux cryptoportiques de l’antiquité latine. Sous l’ancien forum, c’est un impressionnant monde souterrain, un dédale aux fonctions à la fois religieuses, occultes, quotidiennes et de prestige : Aoste montrait sa puissance par l’existence de ce deuxième monde caché sous la surface.
Nous finissons enfin par la collégiale Saint Ours, célèbre pour son carré magique…
Le carré magique de Saint-Ours à Aoste
SATOR
AREPO
TENET
OPERA
ROTAS.
Quelque soit le sens dans lequel vous lirez le carré, vous retrouverez la même phrase – une sorte de palindrome absolu et multiple. La traduction est complexe, car le mot AREPO n’existe nulle part ailleurs en latin. On suppose un mot gaulois qui signifierait charrue. La phrase signifierait donc : le laboureur tient avec soin les roues de la charrue. Mais des traductions chrétiennes plus mystiques proposent : le créateur veille avec soin à ce que les roues tournent – Dieu veille sur toute chose, son œuvre s’accomplit. Des interprétations chrétiennes très pointues y voient un sens christique, avec l’alpha et l’oméga de part et d’autre du carré et le T de la Croix au centre, en écho à ce que disait Jésus dans l’évangile selon Jean : je suis l’alpha et l’oméga, le début et la fin.
Le carré Sator fascine par son origine mystérieuse et sa plasticité parfaite. A-t-il été conçu par des cultes à mystère dans l’Antiquité tardive (on trouve un carré Sator dans les ruines de Pompéi), par les premiers chrétiens ? On le retrouve dans plusieurs églises européennes. À Aoste, il est une mosaïque antique conservée dans le cœur de la somptueuse collégiale Saint Ours. Libre à vous d’en percer le mystère…
Bonnes adresses à Aoste
Où dormir à Aoste ?
Pour un séjour inoubliable : à la Maison Bondaz, en plein cœur d’Aoste, dans une ancienne maison XVIIIe nichée dans le centre historique. Cela restera un de mes plus beaux souvenirs de séjour romantique parfait, hors du temps. Je me souviendrai toujours du moment où nous avons ouvert la porte de notre chambre et découvert (en musique, car des enceintes intégrées au mur nous plongeaient dans une musique lounge douce et sensuelle, comme si j’étais entrée dans un clip) le grand lit argenté surmonté d’une sculpture lune somptueuse, la mezzanine aux airs de cache secrète ultra cosy, la salle de bain lumineuse et surtout, surtout, la salle de spa privatif, avec une baignoire XXL gigantesque, des sièges chauffants, une atmosphère de conte de fées.
Au cœur d’Aoste, une famille chaleureuse, adorable et TELLEMENT accueillante a rénové une demeure du 18e en cœur de ville, avec un souci du détail et un luxe inouïs, tels que je l’ai rarement vécu. Tout est parfait et nos hôtes sont d’une gentillesse exquise. Quant au petit déjeuner… il se compose de deux énormes plats-planches, un salé et un sucré, cuisinés maison avec des produits valdôtains et c’est à pleurer tellement c’est bon. Un souvenir merveilleux !
Où manger à Aoste?
Pour un dîner gastronomique parfait : on descend sous les arcades, dans l’élégante cave du Stefenelli Desk, où on se régale d’une cuisine italienne raffinée, où toutes les saveurs du pays sont à l’honneur, dans un cadre délicieux… exquis et chic !
Ici s’achève ce beau voyage à travers les âges, bordés par quatre des 4000 les plus mythiques des Alpes, dans les plus belles couleurs de l’automne sublimant la vallée d’Aoste… Nous repartirons vers le Mont Blanc émerveillés et éblouis, amoureux de cette enclave entre France, Suisse et Italie, Rome et Savoie, pure beauté des paysages et richesse immense de la culture. Un bijou à découvrir absolument…
Nous garderons un merveilleux souvenir de notre voyage en vallée d’Aoste. Un grand merci à l’office de tourisme de la Vallée d’Aoste, et tout particulièrement à Lauren et Deborah, pour ce moment hors du temps.
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le 4 février, 2022 à 20 h 13 min a dit :
Quelle beauté ! Cela me rappelle de si bons souvenirs !
le 7 février, 2022 à 11 h 10 min a dit :
J’avais adoré ton article <3 Merci Sarah !
le 7 février, 2022 à 17 h 39 min a dit :
Bonjour Ariane…Décidément la Newsletter n’arrive pas à tenir avec moi, j’ai beau m’abonner régulièrement, et ça ne marche pas ! Mais bon, c’est facile de taper : Itineramagica en recherche internet, ce que je fais aussi régulièrement ! À l’inverse, êtes vous abonné chez moi : Lechemindesétoilesdel’AmiGilbert et est-ce que ça marche pour vous ?
Autrement, la Vallée de l’Aoste, on y est passé assez souvent, surtout au Mois de Juin, pour rejoindre l’Italie…mais jamais en séjours ou vacances… et c’est bien dommage en voyant encore ce superbe reportage, qui donne vraiment envie d’y aller !
Bonne fin de journée Ariane ( Ou bien Alexandra… je ne sais plus ! )
Gilbert d’Ahuy
le 10 février, 2022 à 12 h 22 min a dit :
Merci cher Gilbert !
Je n’avais pas encore envoyé la vallée d’Aoste en newsletter, c’est normal 😉
Je viens faire un tour chez vous avec bonheur !
le 7 février, 2022 à 23 h 08 min a dit :
Bonsoir Ariane,
Je te remercie pour ton article intéressant. Tu as de la chance de pouvoir vivre pas loin des Alpes italiennes et tes photos sont tellement magnifiques que ça donne très envie d’y aller. Ca se voit que tu adores les SPA me concernant j’adore la thalassothérapie.
A bientôt.
le 10 février, 2022 à 12 h 21 min a dit :
Merci cher Daniel, on se comprend ! Je te souhaite un beau voyage…
le 11 février, 2022 à 16 h 26 min a dit :
Merci Ariane pour votre passage dans mon site c’est sympa…juste un petit com, ça fait plaisir, et je suis heureux de revenir faire ce merveilleux voyage dans cette superbe parution, où je viens de reconnaître la belle vision du Mont-Blanc du côté de Courmayeur…lors de notre TMB en Juillet 1992 avec 10 amis, la plupart des collègues de travail et leur conjoint… Que c’est loin maintenant cette formidable rando de 8 jours… déjà 30 ans ! Bonne fin de journée
Gilbert
le 12 février, 2022 à 8 h 49 min a dit :
Bravo pour cet incroyable et vertigineux voyage dans un monde méconnu , où l’on retrouve à la fois les graffitis du XVI eme siècle, les palindromes mystérieux, la dent du Cervin sublimée par l’approche méridionale, la beauté inouïe d’un paradis bien défendu…. Nous sommes allés de surprise en surprise, d’émerveillement en émerveillement, avec l’idée bien arrêtée de nous rendre dans ce pays merveilleux. Merci itinera magica !
le 13 février, 2022 à 18 h 36 min a dit :
Merci infiniment ! Une vallée hors du temps, inouïe…
le 12 février, 2022 à 11 h 40 min a dit :
Ce reportage est superbe et très attrayant ! Bravo à Itinera.
Une Italie où en plus on peut parler français, ce doit être un peu l’antichambre du paradis !
Et je veux, moi aussi, skier au soleil , tranquillement au pierd du Cervin.
A voir les assiettes salées et sucrées du petit déjeuner, je me demande juste combien de kilos on prend sur un tel séjour ?
le 13 février, 2022 à 18 h 36 min a dit :
L’antichambre du paradis, j’adore !
Hélas… ma balance aurait bien des péchés à confesser 😉
Merci beaucoup !
le 14 février, 2022 à 14 h 28 min a dit :
Je suis déjà allée dans la vallée d’Aoste en été, mon rêve serait d’y aller à l’automne. Ces mélèzes flamboyants une pure merveille ! Amitiés de Nice où nous sommes actuellement.
le 20 février, 2022 à 17 h 11 min a dit :
Profite bien de Nice ma chère Martine ! tu adoreras Aoste, je le sais ! des bises !
le 25 février, 2022 à 15 h 37 min a dit :
Bonjour Ariane
Oui, fabuleuse vallée d’Aoste ! Je l’ai parcouru dans tous les sens à pied, en skis, en vélo, en voiture ou encore en camping-car, parfois en compagnie d’amis italiens. Je crois avoir mis le pied dans toutes les vallées et sur presque tous les sommets de 4.000 m et plus de la frontière avec la Suisse et bien sûr le Grand Paradis. J’ai même songé à prendre ma retraite là-bas c’est dire…
Je comprends que vous ayez été charmée par cette belle région.
Bises
le 13 juillet, 2022 à 11 h 57 min a dit :
Bravo pour ce carnet de voyage .
Les routes sont-elles aisées pour les camping-car ?
le 20 juillet, 2022 à 15 h 02 min a dit :
Merci beaucoup pour votre message ! en toute sincérité, je n’ai pas essayé et je ne sais pas trop, j’avais une voiture classique, j’aurais du mal à vous dire car je n’ai jamais conduit un camping car… pardon !
le 23 août, 2022 à 11 h 15 min a dit :
[…] un emblème ésotérique très ancien – j’en parlais dans mon article consacré à la Vallée d’Aoste. Il nous conduit à un village abandonné dans les années 1950, où le cimetière témoigne […]
le 20 février, 2024 à 9 h 16 min a dit :
[…] sont toujours situés dans des endroits extraordinaires, immenses et inventives. L’an dernier en vallée d’Aoste, je m’étais émerveillée dans celles de Pré St Didier. Cette année à Chamonix, je reste […]