Les Seychelles à la folie-

 

Avec ses plages dignes des plus beaux films d’aventure, sa végétation préhistorique et sa faune endémique unique entre toutes, les Seychelles vous ouvrent les portes d’un autre monde. Cet archipel égaré au beau milieu de l’océan Indien, préservé de la présence humaine pendant des millénaires, ne ressemble à rien que vous connaissiez. Voyage émerveillé dans un archipel aux allures de paradis perdu, qui vous fait croire qu’à dix heures de Paris, les hommes peuvent retrouver le jardin d’Eden.

 

 

Les îles ont un pouvoir magique. Nous avons tous dans le cœur une île perdue dans l’océan immense, où le bruissement des secrets millénaires étouffe la clameur du monde, et où notre vie recommence. Les lumières maritimes, les animaux étranges, les paysages édéniques qui nous évoquent la jeunesse de la Terre, et soudain l’émotion nous submerge, comme si nous avions gardé en nous la nostalgie de monde disparus et d’époques que nous n’avons jamais vécues.

J’ai toujours été une inconditionnelle des îles tropicales sauvages, et depuis longtemps, je rêvais des Seychelles. Mais cet archipel granitique, oublié par la marche des continents au cœur de l’océan Indien, restait nimbé d’un halo d’impossible à mes yeux. J’imaginais les Seychelles plus loin, plus inaccessibles, plus chères qu’elles ne le sont vraiment, comme si elles n’appartenaient pas vraiment à cette planète.

Les Seychelles, des paysages de monde perdu

Au fond, je n’avais pas totalement tort. Les Seychelles sont les rescapées d’un monde très ancien, témoin des premiers âges de la Terre. Ce n’est pas seulement ailleurs, c’est aussi avant-hier. A l’ère jurassique, il y a cent soixante millions d’années, le super-continent Gondwana commence à se morceler et dessine le monde que nous connaissons :  Amérique du Sud, Afrique, Inde. Mais au moment des adieux géologiques, quelques îles rebelles restent esseulées au milieu de l’Océan Indien. Petites miettes d’un monde enfoui, inconnues des hommes jusqu’au XVIe siècle, les Seychelles sont les sentinelles de la nuit des temps. Contrairement à un grand nombre d’îles des mers du sud, elles ne sont ni volcaniques, ni coralliennes : ce sont véritablement des fossiles détachées du premier monde, comme une bouteille à la mer jetée lors du naufrage de la Pangée. Ce que j’ai vu aux Seychelles, je ne l’ai vu nulle part ailleurs.

 

Je me dois ici de préciser que je parle des îles intérieures – les îles principales. Les Seychelles disséminent leur beauté sur plusieurs milliers de kilomètres. Les îles extérieures, difficilement accessibles, sont coralliennes, et portent des noms d’élixirs : Amirantes, Aldabra, Cosmoledo. Les îles intérieures – Mahé, Praslin, La Digue, Silhouette – sont granitiques. C’est là le secret de leur étrange beauté, de cette solennité qui les auréole. Partout affleurent des arrêtes de granit, comme si la voûte du monde nous était soudain révélée. Ce granit s’amasse en pitons au-dessus des forêts, couronne les cimes des mornes de roche noire, et forme des monolithes spectaculaires sur les plages. Le granit, voilà le secret des panoramas fabuleux et si typiques des Seychelles : sur les anses de sable blanc, des colonies de dinosaures assoupis, affligés de rides antédiluviennes, tiennent un conciliabule entre les vagues et s’abritent sous les palmiers. C’est comme si la Terre des origines, retirée dans son château touffu au beau milieu des flots, révélait au voyageur ébloui le majestueux secret de sa naissance.

 

 

 

Une faune et une flore hors du commun

Chacun le sait, les îles engendrent des monstres. Dans ces microcosmes coupés des grandes masses de terre, l’évolution est libre de se livrer à des expériences. Ainsi apparaissent des créatures gigantesques ou minuscules, des oiseaux sans ailes, ou des mammifères qui pondent des œufs. Les Seychelles sont remarquables par l’originalité de leur faune et leur flore endémique.

C’est en arrivant à Praslin, la deuxième plus grande île, que cela me frappe avec la plus grande évidence : je suis dans un paysage qui m’est totalement étranger. Mahé m’évoquait encore Hawaï ou La Réunion – Praslin est ne ressemble à rien que je connaisse. Ici poussent six espèces de palmiers, et des dizaines d’autres plantes et fleurs qu’on ne trouve nulle part ailleurs sur Terre. Au milieu des colonnes de granit amoncelé, une forêt de palmiers aux silhouettes fantasmagoriques envahit les collines à perte de vue. Ce sont les cocos de mer qui me fascinent le plus – l’espèce totem des Seychelles, qui ne pousse qu’à la vallée de Mai (Praslin), et sur l’île de Curieuse. Ces arbres absolument gigantesques ont des frondes grandes comme les ailes d’un avion, et créent une ombre dense, inquiétante sur les sentiers vallonnés du parc. Elles sont épaisses, rigides, et je comprends pourquoi les Seychellois les ont si longtemps utilisées pour couvrir les toits de leurs maisons. Quand le vent souffle et que ces pales monstrueuses s’entrechoquent dans toutes les collines à la ronde, un raz de marée sonore s’abat sur nous, et l’atmosphère est réellement étrange, prenante, comme si nous étions les otages d’une tempête. Le temps s’est recroquevillé dans ces cavernes de verdure. Les cocos de mer ont toujours été auréolées de mystère et de magie. Au Moyen-Âge, alors que les Seychelles dormaient encore d’un sommeil millénaire au milieu de l’océan inexploré, les fruits énormes des cocos de mer parvenaient aux rivages des Indes et d’Afrique, et les gens croyaient qu’ils remontaient des plus grandes profondeurs, trahissant des forêts submergées dont personne n’avait jamais entrevu les cimes.

 

Le fruit, c’est la célèbre coco fesses, ou coco indécente, la plus grande graine du monde, pouvant peser jusqu’à quarante kilos. Elle est éminemment suggestive : le fruit mâle est orné d’un long pistil phallique, et le fruit femelle ressemble à un postérieur féminin rebondi. Les Seychelles aiment tellement la coco fesses qu’elle a prêté ses formes au tampon des douanes, et que mon passeport est désormais orné d’un popotin dodu.

 

Les animaux sont tout aussi fabuleux – des créatures de bestiaire médiéval. Mon cœur appartient aux tortues des Seychelles, ces prodigieux reptiles dont l’espérance de vie est deux fois supérieure à la nôtre, et qui disputent à leurs consœurs des Galapagos le titre de plus grande tortue du monde. Il est difficile d’imaginer à quel point les tortues des Seychelles sont attachantes. Vivant en liberté dans des lieux préservés, tels l’île Curieuse, elles manifestent un étonnant intérêt pour les humains. Elles viennent vers nous, cherchent les caresses (elles adorent être massées dans le cou, et l’étendent pour nous le signifier), acceptent volontiers les feuilles de laitue (le spectacle de leur mastication est délicieusement paléolithique), et se jettent sur les orteils vernis en rouge, appréciant la couleur ou confondant les ongles avec des baies – le spectacle du bec de dinosaure fondant sur un pied est un peu effrayant, même si leur contact est finalement très doux et précautionneux. Lors de ma deuxième rencontre avec les tortues, je découvre qu’elles raffolent des bananes, et garde désormais des régiments de petites bananes seychelloises dans mon sac. Ma côte grimpe en flèche : elles me suivent partout, sur les falaises de granit aux panoramas vertigineux, dans les criques édéniques, au cœur des mangroves où les arbres semblent courir. J’ai l’impression d’avoir été amenée dans une ferme pédagogique où on pourrait câliner des dinosaures.

La cohabitation n’a pas toujours été aussi pacifique. L’histoire des tortues des Seychelles est tristement banale : lourdes et sans méfiance, elles font l’objet d’une prédation acharnée de la part des marins et colonisateurs, qui déciment l’espèce unique et prodigieuse à toute vitesse. En quelques années, leur extermination est achevée – partout, sauf sur cet atoll à 1600km plus au sud, oublié loin des routes maritimes, Aldabra. Je rêve de retourner un jour aux Seychelles, et de découvrir Aldabra, où mille cinq-cents tortues géantes vivent en liberté, ainsi que le dernier oiseau aptère de l’océan indien (cousin du regretté dodo). C’est grâce aux rescapées d’Aldabra que les Seychelles ont pu faire revenir des tortues merveilleuses sur leurs îles granitiques, pour ma plus grande joie.

Mais des dizaines d’autres animaux méritent mon attention. Des « skinks », petits lézards d’un vert presque phosphorescent, courent le long des murs, des petits moineaux d’un rouge éclatant se baignent dans les flaques d’eau douce. Dans les mangroves de l’île Curieuse, je découvre un tapis immense d’escargots énormes, que je crois d’abord échoués et morts. Mais les coquillages sont bien vivants : au creux de leur coquille, ils attendent patiemment le retour de la marée. A la tombée de la nuit, les plages se couvrent de gros crabes qui détalent se cacher dans des trous à l’approche des humains. Sur de nombreuses plages du sud de Mahé, des panneaux indiquent la présence d’un site de ponte des tortues de mer, et enjoignent au respect de leurs œufs – malheureusement, ce n’est pas la saison des petits miracles. J’aurais rêvé de voir côte à côte, sur le sable blanc, tortues de terre et de mer en sympathie ancestrale. Je lis enfin dans le guide qu’il me faut ouvrir grand les yeux pour apercevoir le bulbul, merle endémique des Seychelles, longtemps en voie de disparition. Au bout de trois jours, je comprends que l’oiseau braillard coiffé comme un footballeur qui vient jusque dans mon assiette chiper des morceaux de pain est un bulbul. Les Seychelles, ou le petit-déjeuner avec les légendes.

 

Les plus belles plages du monde ?

Je mesure ma chance : j’ai eu dans ma vie le privilège immense d’assouvir mon addiction aux plages sculpturales, en Australie, en Guadeloupe, sur la Côte d’Azur, au Portugal, en Polynésie française, à Hawaï, à Bali, au Mexique, au Costa Rica ou en Nouvelle-Zélande. Mais une telle concentration de plages cinématographiques, paradisiaques, une telle pureté des couleurs, des décors aussi pittoresques, des images aussi parfaites où que porte le regard ? Je crois que les Seychelles sont sans rivales. Que pour une acharnée des beautés balnéaires, elles représentent un véritable Graal.

Il y a ces rochers fabuleux, venus d’un autre âge, qui confèrent à chaque pan de littoral une majesté jurassique, qui donnent de la profondeur aux cartes postales, et changent l’idylle en film d’aventure. Cela va au-delà de la beauté qu’on attend des Tropiques, sable clair, eau limpide, palmiers complices : tout prend une dimension épique, et l’imagination peuple ces plages de pirates, de navires maudits, de désespérés romantiques. Certaines plages sont des criques aux airs de bout du monde, des enclaves d’or au milieu des forêts, où on craindrait presque de surprendre quelque indicible secret. L’anse Takamaka, à Mahé, ou l’anse Georgette, à Praslin, ont cette allure sauvage de joyau caché, avec leur forme en demi-lune hérissée de rochers, leur dégaine de carte au trésor. Partout l’eau se décline en pierres précieuses, on hésite à recourir au kitsch, mais comment le dire autrement ? elle conjugue la transparence du diamant à l’onctuosité de la turquoise.

 

D’autres sont immenses, grandes ouvertes, des baies démesurées dont l’éclat éblouit à perte de vue. La baie Lazare et la plage de Beauvallon à Mahé, l’anse Lazio à Praslin, sont de grandes plages douces, où certains palmiers viennent pousser à l’horizontale pour mieux tendre vers le nacre des fonds. A Praslin, la plage de la côte d’Or est immense et plate à perte de vue, sans profondeur, tant et si bien qu’on imagine pouvoir marcher sur les eaux jusqu’aux îlots rocheux que la marée basse dénude. Le sable est d’un blanc presque glaciaire, et au zénith, la lumière est littéralement aveuglante – c’est le genre de plage où la réverbération provoque la cécité des neiges. J’ai l’impression d’avoir été transportée dans un autre avatar du paradis, comme si je bondissais de sphère en sphère, vers des nirvanas toujours plus limpides.

 

Je suis déjà épuisée de gravir des Himalayas de superlatifs, mais il me faut évoquer la plus belle de toutes, la reine des plages seychelloises : Anse Source d’Argent, sur l’île de La Digue. C’est elle que vous avez vu sur les cartes postales, les écrans noirs et au creux de vos paupières rêveuses, la plage qui les surpasse toutes. Je suis venue aux Seychelles pour cette plage, aimantée par des images dignes de constituer le summum de la fascination balnéaire, et mes espérances colossales ne sont même pas déçues. La plus belle plage du monde ? Le spectacle de ces rochers millénaires, dressés comme des cathédrales gothiques sur une baie aux couleurs iridescentes, est indescriptible. Je ne pense plus en mots, je prends des photos, des vidéos, j’ai succombé au règne sans partage de l’image.

 

 

Une culture créole harmonieuse

L’histoire des Seychelles est singulière – rares sont les terres où la marche vers le progrès s’est faite de façon aussi pacifique. Ici, pas de premiers habitants exterminés (comme les Indiens Caraïbes) ou réduits à l’insignifiance (comme les Hawaïens) : les Seychelles étaient véritablement terra nullius lors de leur découverte.
Il est possible que les Polynésiens, les Arabes, les Portugais les aient effleurées un jour, mais ils sont repartis. Les Seychelles sont vides, vierges de tout homme, quand les Anglais les découvrent en 1609.  Elles deviendront un refuge pour les pirates chassés des Caraïbes, qui écument désormais l’océan indien. Les Français ne s’y installeront qu’au 18^e siècle, avec leurs esclaves venus d’Afrique. L’histoire abolira les frontières entre les maîtres des plantations et leurs serviteurs. Parmi les habitants de l’île, on compte nombre de descendants de très vieilles familles d’origine française, qui se sont métissées : l’histoire a libéré les uns du joug des autres, et peu à peu leurs sangs et leurs destinées antithétiques se sont mêlés. Ces descendants sont des métis heureux de leur double héritage.

Au début du 19^e, les Seychelles deviennent britanniques. Ce sont eux qui abolissent l’esclavage, et font la chasse aux négriers dans tout l’océan Indien, ramenant aux Seychelles des hommes à qui on enseigne la liberté. Peu à peu, ces hommes s’émancipent, et signifient poliment à l’Angleterre qu’il est temps de les laisser voler de leurs propres ailes. Tel est le miracle seychellois : une société d’hommes qui ont reconquis leur dignité et refusé la violence dans leur chemin vers le progrès.

 

Cela fait quarante ans que les Seychelles sont indépendantes. Elles ont gardé des liens étroits avec la France et l’Angleterre, et trois langues y sont parlées : anglais, français, créole de racine française. Le créole est un français où le G, le C, le K n’existent plus, remplacés par des J et des S, où « oui » devient « wi », et où la conjugaison est simplifiée : le verbe aller n’a qu’une forme, je alé, tu alé, il alé, nous alé, etc. Ici, on roule à gauche et les écoliers sont en uniforme, comme au Royaume-Uni, mais toutes les villes et plages ont des noms français.

 

Victoria est une petite capitale de 25 000 habitants, aux airs de grand village industrieux et cool à la fois, avec un petit côté australien : on travaille, puis on va à la plage, dans les parcs, dans le port. On achète à manger aux food trucks qui font une fusion de cuisine snack indienne, occidentale et créole. Au large du cœur de ville, une île artificielle se couvre d’éoliennes, afin de réduire la dépendance aux hydrocarbures. La cathédrale, la mosquée et le temple hindou témoignent d’un vivre ensemble réussi – si 90% de la population est catholique, les communautés comoriennes, malaisiennes, sri-lankaises forment des minorités religieuses respectées. Il n’y a ici aucune tension raciale, aucune friction entre les communautés qui se diluent les unes dans les autres. Je ne ressens aucune animosité envers le touriste blanc, aucun complexe post-colonial. Cela est évident : les Seychelles sont un pays qui réussit. Les voyants sont au vert. Leur indicateur de développement humain est le plus élevé du continent africain, leurs écoles et hôpitaux sont de grande qualité, leurs villes sont joyeuses et colorées. Après avoir été bouleversée par les bidonvilles de Guadeloupe, département français laissé à l’abandon, je suis marquée par la réussite seychelloise. J’ai l’impression d’être face à un modèle d’identité créole harmonieuse et de développement autonome réussi.

 

Foodtruck au coeur de Victoria

J’assiste aux célébrations du quarantième anniversaire de l’indépendance. Les rues sont pavoisées de drapeaux seychellois, les parades militaires sont multicolores, et tous les discours évoquent paix, prospérité et progrès. La foule métissée mange du pop-corn et des barbes à papa, et la soirée finit en grande kermesse populaire, à l’ambiance résolument bon enfant. Mon rêve caraïbe de métissage coloré, d’idylle insulaire, de nature préservée, de société douce, où le reggae célèbre la joie de vivre et non le renoncement, je le trouve finalement au cœur de l’océan indien…

 

Le pays est sûr, et le voyageur se sent aussitôt en confiance. A ceux qui rêvent des eaux translucides de ces mers chaudes, mais qui sont effarés par la politique répressive des Maldives, où les enfants peuvent être condamnés à mort, à ceux qui aiment les Antilles, mais sont désarçonnés par les ressentiments qui ne passent pas, je n’ai qu’un conseil à donner : venez aux Seychelles. Voici le pays de Cocagne.

 

Le prochain article paraîtra dans quelques jours sur Itinera Magica, et vous proposera un carnet pratique, afin d’organiser à votre tour votre voyage aux Seychelles. J’y partagerai avec vous mon journal d’île en île, à Mahé, Moyenne, Praslin, Curieuse, Saint Pierre et La Digue. Inscrivez-vous à la newsletter pour ne pas le manquer : j’ai organisé un jeu concours, avec des cadeaux made in Seychelles à gagner pour les abonnés à la newsletter ! Plus d’infos sur le jeu concours ici.

 

 

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